Et la vie s'arrêta...


Et la vie s'arrêta... (roman, 220 pages) est paru le 18 avril 2024.

Le livre

Le point de vue de l'éditeur :

Dans une ville de province où il faisait bon vivre, voici l’histoire de trois familles dont la vie s’arrêta.

Du jour au lendemain, ce qui pour eux semblait un avenir tout tracé devenait aléatoire.
Un simple petit virus, nécessitant des mesures de protection radicales, soumettait le monde entier à des injonctions sanitaires. Leur quotidien, subitement contraint pour cause de pandémie, allait confronter Manon et Thomas, Julie et Nicolas, Camille et Thierry, ainsi que leurs enfants, à un enfermement dévastateur.
Pour chacun de ces hommes, femmes, enfants, il y aurait un avant mars 2020 et un après décembre 2023. Une parenthèse aux conséquences insoupçonnables…
Nicole Yrle par son style précis, ciselé raconte le parcours de ces trois familles, anonymes parmi les anonymes, en qui nombre d’entre nous se reconnaîtront peut-être.

Extraits

Extrait Chapitre 3

16 mars 2020 – En guerre !

Chez les Leroy, Julie se prit le visage dans les mains et dit :
— Et Gabriel ? Ce n’est pas possible ! Nicolas, qu’est-ce qu’on va faire ?
Son mari contracta les mâchoires sans répondre. Des mots se détachaient du discours présidentiel : l’esprit de responsabilité, fausses informations, sens de l’essentiel, panique… Il eut un haut le corps en entendant « Nous sommes en guerre » et sursauta encore quand l’expression fut reprise sur un ton dramatique.
— Il y va fort quand même, murmura-t-il.
Le vocabulaire guerrier choqua aussi les Morel.
— Papa, c’est la guerre ? demanda Alice éperdue.
— Mais non, je t’expliquerai, s’impatienta son père contrarié.
Nathan apeuré se rapprocha de sa sœur. Comme s’il comprenait qu’on avait besoin de sa tendresse, Câlin vint se frotter contre leurs jambes avant de s’aplatir sur les pieds d’Alice. Le « Vive la République, vive la France ! » final fit bondir Manon qui se précipita sur ses enfants :
— Ne vous inquiétez pas, mes chéris. Beaucoup de gens sont malades et c’est une sale maladie. Mais vous allez bien, nous aussi. Pour ne pas être contaminés, il suffit de rester à la maison.
— Alors, on est vraiment en vacances ? demanda Nathan, trop heureux de se sentir soudain rassuré. Ses yeux noirs brillaient.

Extrait Chapitre 4

Fin mars 2020 – Pandémie

Dans la petite ville, comme partout en France, ce confinement donna lieu à des conséquences surprenantes. Dans un premier temps, pas très long, on eût dit que le pays tout entier se figeait. Les rues et les routes étaient désertes : on se serait cru en pleine nuit quelle que fût l’heure ; là où il faisait beau, le soleil semblait briller pour rien dans un silence assourdissant ; là où les nuages plombaient le ciel, paysages et maisons devenaient sinistres, la pluie martelait le bitume et les toits, au point que l’on n’entendait plus qu’elle.
[...]
La ruée sur le papier hygiénique aurait pu prêter à rire si elle n’avait pas engendré une incroyable pénurie. On vit des gens se battre pour s’emparer du dernier rouleau. Était-il devenu un symbole de sécuriré et de propreté quand chacun se demandait comment se prémunir de cette horrible et dégoûtante maladie ? De toute façon, ce n’était pas cher et on s’en servirait toujours, si jamais l’isolement forcé durait… Et puis, tout le monde faisait des stocks, alors il devait bien y avoir une raison…
Ahuris mais ne perdant pas leur sens de l’humour, Thomas et Manon refusaient de céder à la panique et ils imaginaient rouleaux et paquets empilés jusqu’au plafond dans les entrées des appartements et des maisons, dans les garages ou les caves :
— Le rose est le plus décoratif, le plus lumineux, non ?
— Et les papillons ou les fleurs dessinés dessus ? Pas mal pour la chambre des enfants !
Dans l’atmosphère de tension ambiante, rire faisait du bien.

Extrait Chapitre 5

Avril 2020 – Défiance et interdits

Les discussions sans fin avec les copains chez l’un ou chez l’autre, les blagues, les virées nocturnes du samedi soir jusqu’à pas d’heure lui semblaient de lointains souvenirs. Il n’aurait jamais cru que la solitude lui pèserait à ce point. Il avait besoin de bouger, de voir du monde. Il avait l’impression qu’on l’obligeait à mettre sa vie de jeune homme sociable entre parenthèses. Et surtout il redoutait que cette parenthèse ne se fermât pas avant des jours et des jours, des mois peut-être...
Au début, suivre des cours en ligne lui avait semblé facile, presque un jeu. Mais rester devant son écran d’ordinateur des journées entières était vite devenu fastidieux et très fatigant. Le soir venu, ses yeux le brûlaient, il passait de l’eau sur son visage et quand il levait les yeux, la glace au-dessus du lavabo lui renvoyait l’image d’un garçon tout rouge, à l’air hébété. Quelques échanges pat téléphone avec d’autres étudiants avaient suffi à achever de lui saper le moral ; apparemment, ils s’en sortaient, eux, alors que lui ramait, il n’arrivait pas à travailler dans ces conditions, il se sentait nul et il culpabilisait. [...]
Il en venait à regretter amèrement d’avoir choisi de vivre dans une chambre indépendante, quitte à ce qu’elle soit petite, plutôt qu’en colocation avec d’autres jeunes. Quand il téléphonait à un de ses condisciples, il entendait un brouhaha de voix derrière lui, des rires, des bruits divers, des bruits de vie ! Une fois la communication interrompue, il était écrasé par le silence, et la charge de travail lui paraissait accablante. Il l’avait dit à sa mère, il resterait sur place, il avait des révisions à faire ; toute l’année, il s’était organisé pour mémoriser ses cours, mais là, il était découragé, il avait la conviction de tout oublier au fur et à mesure.
Oppressé en permanence, il regardait ses quatre murs, et il avait l’impression que sa chambre rétrécissait de jour en jour, comme la maison de Chloé et Colin dans L’écume des jours, un roman qu’il avait adoré ; mais au moins, ils étaient deux à la partager ! En ce moment, il aurait donné n’importe quoi pour que Murielle vécût avec lui dans la chambrette qui en aurait été transfigurée.

Extrait Chapitre 8

Été 2020 – Soulagement trompeur ?

Au début, le couple se promenait, sans se toucher, déambulant dans les allées dont il admirait les massifs de fleurs et les arbres centenaires. Pendant le confinement, les jardins fermés avaient été laissés à l’abandon et la nature en avait profité pour n’en faire qu’à sa tête : c’était insolite de voir que les pissenlits avaient envahi les iris et les roses, que le gazon s’était transformé en pelouse naturelle, parsemée de graminées, de pâquerettes et de véroniques. Julie et Thomas tombèrent d’accord : ils préféraient cet aspect sauvage au sage ordonnancement qu’ils avaient connu « avant » dans ce parc familier.
Une fois, elle trébucha en montant les marches qui conduisaient à un ancien kiosque à musique aux colonnes ciselées, et il la retint par le bras. Ensuite, il lui donna la main et ils en prirent l’habitude, avançant du même pas tranquille.
Ils se conduisaient comme de simples amis, heureux de parler de toutes sortes de sujets. Thomas était aussi troublé que le jour où elle était entrée dans son magasin pour la première fois, il la regardait à la dérobée, fasciné par sa grâce, il écoutait sa voix qu’il trouvait douce et mélodieuse ; elle était gaie, riait souvent, cela le consolait du mutisme et de la tristesse de Manon. Le port du masque ne changea rien, il connaissait son visage par cœur ; parfois, quand ils constataient qu’il n’y avait personne aux environs, ils le baissaient, se regardaient, pour vite le remonter si quelqu’un apparaissait, et ils riaient sous cape, c’est le cas de le dire !
Julie jouait de son charme sans peut-être s’en rendre compte, mais ses gestes, ses mouvements de tête, ses propos enjoués trahissaient une femme qui cherchait à plaire ; elle était parvenue à se convaincre qu’ils ne faisaient rien de mal et qu’au moins, ces promenades lui permettaient de se détendre et l’aidaient à supporter l’ambiance alourdie de sa maison, avec un mari de plus en plus sombre et silencieux.

Extrait Chapitre 9

Septembre 2020 – Retour de bâton

— C’est quoi, un couvre-feu ? demanda Nathan.
— Un mot à expliquer à tous les enfants, réagit Manon, je le ferai en classe, tu as raison, mon chéri, de poser la question.
Elle raconta qu’au Moyen-Âge, au temps où l’électricité n’existait pas, la cloche de l’église retentissait à la tombée de la nuit pour avertir que chaque feu devait être recouvert d’un couvercle, pour éviter les incendies qui menaçaient les maisons, souvent en bois, la nuit quand tout le monde dormait, et aussi pour garantir la sécurité publique dans les rues obscures, en limitant les déplacements nocturnes.
— Mais nous, on n’a plus de feu à couvrir, s’étonna le petit garçon, écarquillant les yeux.
— Oui, mais on a gardé le mot. De nos jours, on parle de couvre-feu surtout en temps de guerre, pour obliger les gens à rester chez eux, la nuit. Mamie pourrait t’en parler, elle était jeune à l’époque mais je suis sûre qu’elle s’en souvient. Tu pourras lui en parler la prochaine fois que tu lui téléphoneras, si tu veux.
Manon se tut et pensa que nombre de personnes âgées, de la génération de sa mère, devaient frémir en entendant ce mot, évocateur d’une sombre époque.

Extrait Chapitre 10

Octobre 2020 – Tensions

Elle regarda son mari savourer son petit noir, debout, puis se tourner pour s’en servir un autre.
— Tu es bien silencieuse, Camille.
— Je suis fatiguée, mais il faut que je te dise quelque chose.
Elle était restée assise, Claire somnolant sur ses genoux.
Prenant son élan, elle raconta en quelques mots comment elle avait été verbalisée par un policier borné, qui n’avait rien voulu entendre de ses explications. Elle voyait Thierry de dos : il se tenait devant la cafetière, la main sur l’anse de sa tasse. Il se retourna brusquement :
— Combien ? demanda-t-il sèchement, l’amende... combien ?
— Cent trente-cinq euros, tu sais bien, c’est le tarif, mais…
Il s’approcha brusquement tout près d’elle, rouge de colère, et lui balança une gifle magistrale, bousculant au passage le bébé qui fut déséquilibré :
— Espèce d’imbécile ! Tu ne pouvais pas faire attention ? Tu crois qu’on peut se permettre de gaspiller l’argent pour tes bêtises ?
Camille en eut le souffle coupé et serra contre elle sa fille apeurée, qui se mit à pleurer. La marque rouge des doigts s’était imprimée sur sa joue brûlante.
Thierry continuait à vociférer mais elle ne l’entendait plus. Elle se leva, tel un automate, se réfugia dans la chambre et donna un tour de clef. Caressant Claire pour la calmer, elle s’assit sur le lit, hébétée :
— Là, ma Bricole, chut… chut, Maman est là.
Jamais il ne l’avait frappée…

Extrait Chapitre 11

Novembre 2020 – Crispations

Un soir, elle se retrouva en binôme avec une nouvelle et apprit de sa bouche qu’en fait elle avait un diplôme d’infirmière, qu’elle était une jeune retraitée, et qu’elle s’était portée volontaire :
— Et me voilà avec un rôle d’aide-soignante ! Je ne dis pas ça pour te vexer, je ne méprise pas les aides-soignants, ils sont indispensables. Mais enfin, chacun son métier ! Moi, j’ai une formation d’infirmière en réanimation, tu te rends compte ? C’est quoi, cette organisation d’irresponsables, ici ?
— Je comprends ta colère, Armelle, je suis surprise, moi aussi, je suppose que tu seras très vite affectée à des tâches qui te correspondent mieux. Tu sais, ici, on est embarqué sur le même bateau et on navigue à vue, pire qu’au jour le jour, on improvise trop souvent, et à tous les niveaux, je crois bien. Le miracle, c’est que, malgré tout, ça marche, en tout cas, on fait le maximum pour nos malades.
— Je n’en doute pas, Camille, c’est bien ton nom, Camille ?
Son ton s’était radouci, et tandis que toutes deux, elles classaient et rangeaient du matériel, elle ajouta :
— Je crois quand même que nous pourrions être encore plus utiles aux malades, si on tenait compte des compétences et de l’expérience de chacun.
— Tu as raison, il faudrait mettre systématiquement la bonne personne au bon endroit.
— Exactement. Ce n’est pas pour dire, mais j’ai vu, tout à l’heure, une de tes copines aide-soignante, appelée à la rescousse pour un décubitus ventral, et moi, pendant ce temps-là, je devais aller chercher du matériel à la réserve et le préparer ! Je bouillais !

Extrait Chapitre 15

Mars 2021 – Moral en berne

Au Journal Télévisé, un soir, elle entendit qu’une jeune fille avait tenté de se défenestrer depuis sa chambre universitaire, sauvée par des camarades qui l’avaient retenue de justesse. Le journaliste rappela ensuite qu’un étudiant s’était jeté d’un cinquième étage quatre jours auparavant, ce qu’elle ignorait ; un reportage suivait, avec des interviews de jeunes, soulignant tous leur désarroi et leur solitude : « Le suicide, il y en a beaucoup qui y pensent, affirma un jeune homme à la mine grave, on est une génération sacrifiée ».
Horrifiée, et bien qu’il fût tard, Julie éprouva l’irrésistible envie d’entendre la voix de Gabriel. Elle faillit faire part de son inquiétude à Nicolas qu’elle entendait pianoter sur son clavier d’ordinateur. Avec son portable, elle appela son fils depuis la salle de séjour. Il ne prit pas son appel tout de suite, elle ne voulait pas laisser de message et rappela presque aussitôt : la panique s’emparait d’elle.
— Maman ? Qu’est-ce qu’il y a ? Je travaille, là !
— Excuse-moi, il fallait absolument que je t’entende.
Au timbre de sa voix, il comprit qu’elle était mal et il se radoucit. Elle demanda s’il était au courant des suicides d’étudiants dont on parlait à la télévision.
— Mais oui, maman, je sais. Ça s’est passé à Lyon, pas ici. Faut pas t’affoler. À Lyon, les facs, les cités U, c’est l’usine… Pas la même échelle que dans nos facs à nous.

Extrait Chapitre 17

Juin 2021 – Le bout du tunnel ?

La mise en place, le premier juillet, du passe sanitaire européen, qui équivalait quasiment à l’obligation d’être vacciné, n’inquiéta pas trop : il n’imposait une contrainte qu’à ceux qui voulaient partir à l’étranger ou assister à des rassemblements de plus de mille personnes.
Pourtant l’escalade se préparait, le but étant clairement affiché, au plus haut sommet de l’état, d’« un été de mobilisation pour la vaccination ». Dès le vingt et un juillet, les lieux de loisir et de culture rassemblant plus de cinquante personnes ne seraient accessibles qu’avec le précieux sésame, et une extension à pratiquement tous les lieux publics était annoncée pour début août.
Dans ces conditions, et malgré des contestations ici ou là, les vaccinations allèrent bon train. Thomas Morel s’y était soumis sans hésiter, Camille Gauthier et Julie Leroy aussi. La seconde injection était programmée pour bientôt. Très fatiguée en fin d’année scolaire, Manon avait préféré différer de quelques jours ou quelques semaines.
Julie fit tout pour convaincre son mari de l’imiter, et comme elle s’y attendait, il refusa catégoriquement.
— Mais pourquoi, voyons ! Tout s’est bien passé pour moi, une réaction minime, tu l’as vu !
— Là n’est pas la question. Je constate, moi, qu’on vise à interdire toute vie sociale aux non vaccinés. Une façon perfide de rendre le vaccin obligatoire, en prétendant le contraire. J’entends rester libre de mes choix et, en l’occurrence, je ne veux pas, un point c’est tout.

Extrait Chapitre 19

Automne 2021 – Libre à quel prix ?

— Écoute, tu te fais des illusions en croyant que tu vas trouver rapidement un travail. Tu es comme moi, nous ne savons rien faire d’autre que ce que nous faisons depuis des années. Et j’ai la solution : tu viens au Centre de vaccination, c’est moi qui m’occuperai de toi, j’aurai le vaccin mais il partira dans le coussin, c’est du sérum physiologique que je t’injecterai et, comme tu as déjà eu le Covid, tu n’auras pas besoin de revenir pour une seconde dose ; on te délivrera un certificat avec le QR code et ce sera bon, tu pourras reprendre ton travail à l’hôpital, ni vu ni connu.
Soufflée, Sylvie resta silencieuse quelques instants, puis protesta avec véhémence :
— Tu me prends pour qui ? Je n’aurais jamais cru ça de toi ! J’assume ce que je fais et je ne m’abaisserai jamais à pareille fraude, ni à aucune autre d’ailleurs ! Tu te fais payer, j’imagine ?
— À mon tour de te dire : pour qui tu me prends ? rétorqua son interlocutrice, piquée au vif. Je le fais gratuitement, pour rendre service, c’est tout.
— Et toi, alors ? J’imagine que tu as bénéficié de cette procédure incroyable ?
— Pas du tout, je suis dûment vaccinée, moi, mais je trouve qu’il faut respecter le choix de ceux qui refusent. Comme toi ! Surtout quand on a affaire à une excellente infirmière. On a besoin de toi à l’hôpital, j’estime qu’il faut que tu y retournes sans délai.
— Eh bien on se passera de moi. Je ne veux absolument pas de ta solution. C’est de l’inconscience, tu perds la tête, tu vas te faire prendre et tu ne l’auras pas volé. Ne me rappelle pas.
« Voilà à quoi on en arrive. » se dit Sylvie.

Extrait Chapitre 21

Janvier 2022 – Errances médicales

Comme elle le prévoyait, Manon n’obtint pas de dispense vaccinale de l’ORL qu’elle retourna consulter. Il lui opposa une fin de non-recevoir, ferme et nette. Il constata sa baisse auditive à droite et lui conseilla d’aller voir un audioprothésiste pour se faire appareiller. Quand elle émit l’hypothèse que ce nouveau handicap, ajouté aux acouphènes, pouvait avoir un lien avec sa vaccination, ajoutant qu’elle savait que d’autres personnes se plaignaient de la même chose qu’elle, il haussa le ton.
Elle écouta à peine le discours qui suivit son nouveau refus, plus tranchant encore. Avant qu’il n’eût terminé, elle se leva et sortit du cabinet, saluant le praticien d’un simple signe de tête. Elle ne vit pas son haussement d’épaule.
Son généraliste prit le temps de lui téléphoner pour prendre de ses nouvelles et ils eurent une longue conversation. [...]
— Dites-vous bien que pour les dispenses de vaccination, c’est pareil. Je ne parle même pas des formalités complexes à accomplir pour produire un certificat, mais surtout, nous ne pouvons prendre aucune initiative, nous sommes tenus de respecter strictement la liste de contre-indications établie par l’ANSM ; prendre la responsabilité de délivrer un certificat en notre âme et conscience de praticien est devenu impossible, et les contrôles sont pointilleux : on aurait vite fait de nous accuser de fournir des certificats de complaisance !
— Donc, vous ne pouvez rien pour moi, c’est ça ?

Extrait Chapitre 22

19 mars 2022 – Partir… Rêver...

Machinalement, avant de sortir, elle ouvrit sa boîte aux lettres. Une enveloppe blanche, non timbrée, portant son seul nom écrit à la main, tomba par terre. Intriguée, elle la ramassa, la retourna et l’ouvrit. Sur un feuillet simple, était écrit un court message non daté et non signé : « Comme aide-soignante, il y a de grandes possibilités que vous soyez infectée par le virus. Nous vous demandons de ne pas toucher les éléments des parties communes ou mieux de déménager en attendant la fin de cette épidémie. Merci de penser à notre santé ! » Les larmes aux yeux, Camille laissa tomber le long de son corps la main qui tenait la feuille. Immobile, elle se sentit envahie d’une immense lassitude. Elle remonta la lettre au niveau de ses yeux, pour finir de la lire : « Ne prenez pas ça contre vous, mais je pense que moi-même ainsi que tous les voisins nous sentirions plus en sécurité. Avec mes amitiés. »
« Et il me fait ses amitiés ! » murmura-t-elle, amère. Suffoquant, elle eut envie de transformer ce chiffon de papier en une boule compacte. Elle y renonça, le replia, l’enfouit au fond de sa poche, et sortit.
Alors, ça recommençait ? Comme ses collègues de l’hôpital, elle avait reçu ce genre de « lettre », pas toujours signée, dans les premières semaines de la pandémie. Thierry l’avait très mal pris, parlant d’aller « casser la gueule de tous ces connards » qu’il se faisait fort d’identifier. Heureusement, elle avait réussi à lui cacher et à détruire les petits mots du même genre qui avaient suivi. Entre soignants, ils en avaient beaucoup parlé, se demandant que faire. Il n’y avait rien à faire, sinon garder la tête haute. Et dire que, pratiquement dans le même temps, les habitants du quartier s’étaient mis à les applaudir le soir pour les remercier ! Ils n’étaient pas à une contradiction près ! Ou alors, ce n’était pas les mêmes.

L'éditeur

Cap Béar Editions, une maison dynamique qui propose joliment à ses lecteurs de "s'offrir l'évasion des mots".

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