François de Fossa - Variations en Clair-Obscur


François de Fossa - Variations en Clair-Obscur, roman (Seconde époque - 400 pages), paru en septembre 2016.

Le livre

Le point de vue de l'éditeur :

Juillet 1813, François de Fossa est à Bayonne et retrouve la France qu’il avait fuie lorsqu’il était jeune homme.
Le Premier Empire s’écroule, la société est en ébullition, le peuple inquiet se prépare au pire. Seuls les nobles et les notables rêvent au retour de la monarchie, l’aristocratie savoure déjà sa revanche. Une ère nouvelle est en marche où chacun évolue, s’adapte, cherche à comprendre, à vivre ou à survivre.
François de Fossa espère revoir enfin sa soeur Thérèse, restée à Perpignan, et trouver sa place dans le monde. Mais l’époque troublée de la Restauration fera longtemps obstacle à tous ses projets jusqu’à ce qu’il devienne officier dans l’armée du roi.
Au cours de la seconde période de son existence, il connaîtra des fortunes diverses, à l’image de cette France aux abois qui se relève difficilement, minée par les luttes intestines.
Malchance et tragédie marqueront le destin de François de Fossa et, plus que jamais, la musique restera son refuge : interprète et compositeur, il donnera alors le meilleur de lui-même.
En suivant les pas de l’officier-musicien, vous entrez dans une époque fascinante où les rapports sociaux sont en mutation perpétuelle. Les temps changent...
Nicole Yrle dépeint avec brio cette période passionnante de notre histoire.

Extraits



Extrait du chapitre 3

"Impasses"

Il ne lui échappa nullement qu'elle l'écoutait d'un air distrait, dissimulant à demi son ennui derière un baîllement.
— Que n'avez-vous eu l'idée de venir servir Napoléon en 1810 ! lui reprocha-t-elle.
— Mais Madame, il eût fallu que je me fisse connaître comme Français à Grenade ! Et comme je portais l'uniforme espagnol, j'eusse été fusillé !
— Ah oui, effectivement ! Il valait mieux, dans ces conditions, servir le roi Joseph !
Tout en parlant, elle s'était assise et caressait un affreux petit chien à la face épatée et à la queue en tire-bouchon qui ne cessait de japper et de montrer les crocs en direction du visiteur.
— Et maintenant, que comptez-vous faire ? demanda la maréchale.
— Si vous consentiez à m'accorder votre haute protection, j'en serais honoré, commença François...
— En ce moment, l'interrompit-elle, il sera difficile, pour ne pas dire impossible de vous placer. Il faut savoir attendre.
— Certes Madame, mais voilà des mois que…
— Ne vous découragez pas, ne vous laissez pas rebuter. Je suis certaine qu'à force de chercher, vous trouverez l'emploi qui vous conviendra.
Elle s'était levée et lui aussi. On entendait le bruit d'une voiture qui roulait avec fracas sur les pavés de la cour.
Il s'inclina :
— On m'a dit que vous deviez sortir…
— Oui, répliqua-t-elle avec empressement, j'ai un rendez-vous d'affaires important auquel je devrais déjà être rendue.
— Me permettez-vous de venir ici quelquefois vous présenter mes hommages ?
— Faites, faites, dit-elle.
Elle avait quitté la pièce dans un froufrou d'étoffe, et il resta seul et décontenancé. Les politesses échangées à la fin de la conversation le laissaient sans illusions. Il revint plus tard, le jour de sa fête, avec des fleurs et quelques vers écrits de sa main mais elle ne recevait pas.
Il laissa le bouquet et mit le poème dans sa poche.



Extrait du chapitre 5

"Les Cent-Jours"

S’égrènent en douceur les harmoniques d’un début andante : la ré mi fa… la sol mi si do ré fa mi… tout est tranquille dans la campagne endormie, les phrases musicales déroulent un paysage au prometteur mystère, les sons s’amplifient à peine, et la mélodie revient : la ré mi fa... Le son du cor résonne dans le lointain puis s’estompe, les chasseurs vont-ils se réveiller ? Pas encore… Tout s’apaise jusqu’à ce qu’une seconde salve de notes éclatantes lance son appel…
Alors la nature entière s’emplit de bruits, on s’agite de tous côtés, une joyeuse clameur s’élève, les chevaux galopent dans la forêt qu’on croit voir et entendre bruisser. La basse obsédante d’un ré rythme la course effrénée. Un cerf bondit soudain, poursuivi par les chiens et les chasseurs excités. Va-t-il échapper à ses poursuivants galvanisés par les sonneries qui accompagnent la cavalcade et la meute ? C’est tout un orchestre qu’on entend avec les deux guitares qui passent sans cesse d’un crescendo au pianissimo de notes plus sourdes, épousant le mouvement de la chasse avec ses accélérations et ses ralentissements. Les doigts fins des musiciens courent sur les cordes, des regards se répondent, d’imperceptibles mouvements de tête ponctuent l’échange. Un tableau vivant est ainsi brossé avec des notes colorées, mêlant douceur et diversité à un harmonieux tumulte.
On voit autant qu’on écoute le mouvement souple et cadencé des cavaliers, la fuite de la bête aux abois. Les péripéties de la chasse se succèdent. Le motif initial resurgit partout, en variations séduisantes et subtiles.
Arrivent pour finir l’hallali triomphant et l’exaltation des derniers accords qui semble unir chasseurs, musiciens et auditeurs dans une même allégresse.



Extrait du chapitre 7

"Une longue absence"

Il adapte son pas au sien, soucieux de la ménager. Elle a chaussé des bottines lacées qu’elle affectionne pour marcher. Frileuse, elle porte son manteau de laine rouille, long et enveloppant. Son cou délicat disparaît dans le col boule en fourrure gris argent, assorti au manchon qui tient au chaud ses mains et ses poignets trop minces.
François déplore sans le dire la mode des capotes resserrées d’un large ruban sous le menton qui dérobent le profil des femmes aux regards. Leur nom d’« invisibles » est tout à fait juste ! Celle de sa sœur retient ses cheveux de manière élégante mais lui, qui avance à ses côtés, la tenant par le coude, doit se contorsionner pour la voir de face en lui parlant !
De rue en rue, ils atteignent la Porte du Sel et franchissent la Basse sur le Pont de Pierre. Le jardin aménagé sur le bastion des Capucins est un havre de paix, pas très éloigné de la fontaine Na Pincarda. Ses allées soigneusement entretenues permettent de circuler au milieu d’une végétation rendue vigoureuse par l’eau du Canal des Quatre Cazals.
L’harmonie règne malgré la diversité des plantes : buis, ciste, hellébore, santoline et cinéraire argentées, arbrisseaux taillés en boule témoignent de soins attentifs. Même en cette saison, les plantes médicinales abondent. Plus tard, elles dégageront leurs parfums mêlés.



Extrait du chapitre 10

"Le meilleur et le pire à Lyon"

L’ensemble de cette œuvre pour guitare solo sera dédiée à mademoiselle Benoîte Delaforest qu’il a fini par aller voir : une femme remarquable qui enseigne la musique avec intelligence, joue de la guitare et du piano avec aisance. À l’idée de la faire rougir de plaisir, il est tout heureux !
Elle habite dans une des plus anciennes rues de Lyon, l’étroite rue Tramassac. Elle lui a raconté que le fameux Guignol du bateleur Mourguet la nomme rue des Trois Massacres ! François sourit en revoyant l’avenante petite personne, pleine d’humour, venue lui ouvrir la première fois qu’il est allé la voir chez elle.
La cinquantaine alerte, souriante, l’œil pétillant dans un visage doux, encadré de mèches grisonnantes, elle suscita aussitôt en lui de la sympathie. Un piano trônait au milieu de son salon qui était aussi la pièce dans laquelle elle recevait ses élèves pas encore arrivés ce jour-là. Il a tout de suite vu la guitare posée sur un fauteuil et il a balayé d’un regard amusé les empilements de cahiers et feuillets de musique disposés un peu partout : le désordre n’était qu’apparent, il en fut persuadé !
Il n’eut pas besoin de bavarder avec elle plus de quelques minutes pour comprendre qu’il avait affaire à une vraie passionnée, mariée à la musique. Elle se montra enchantée d’accueillir un officier guitariste et compositeur. Ils parlèrent chant, guitare et pédagogie. Il s’engagea à lui prêter des partitions, à lui montrer ce qu’il avait écrit, et il tint sa promesse, ce qui leur donna des occasions de se revoir et même de jouer ensemble, elle au piano, lui à la guitare, ou tous deux à la guitare.
Chère mademoiselle Delaforest, il retournera la voir dès que possible…



Extrait du chapitre 16

"Les Cent Mille Fils de Saint Louis"

Bien sûr, il y a quelques escarmouches et François est personnellement au cœur d’une échauffourée sans grandes conséquences quand le troisième régiment, le sien, uni à deux escadrons de cavalerie et une demi-batterie de montagne, s’ébranle au petit matin du 9 juillet en direction de Molins de Rei, investie dès le milieu de la matinée. Il trouve presque cocasse la vibrante harangue de félicitations prononcée le lendemain par le vicomte de Donnadieu devant les régiments assemblés et il regarde ensuite, les yeux ronds, le maréchal Moncey qui embrasse avec effusion le colonel du troisième, en s’écriant d’un ton pénétré :
— Je voudrais pouvoir embrasser chacun des hommes qui ont contribué à cette brillante opération !
François compare les vingt morts laissés sur le champ de bataille aux douze mille de la bataille d’Ocaña à laquelle il a participé et qu’il n’est pas près d’oublier !



Extrait du chapitre 17

"Bonheurs et souvenirs"

François ferme un instant les yeux. Ce qu’il croyait enfoui à jamais dans sa mémoire remonte en lui avec une incroyable puissance. Il frissonne, recroquevillé dans l’abri de fortune installé dans la forêt, au sortir de la combe, sous le roc dels Tres Termes ; il entend les gémissements des malades mêlés aux sifflements du vent glacial, son estomac que les maigres rations ne sauraient contenter crie famine. Ses pieds endoloris gonflent dans ses chaussures trempées, ses jambes enfermées dans des guêtres tout aussi mouillées sont raidies par l’effort et l’humidité, il avance dans un état second, la figure et les mains brûlées par la neige...
Toujours accoudé au bord du rempart, il tressaille, un bras compatissant s’est posé sur le sien : le jeune Campagne ne dit rien, son geste affectueux parle pour lui. François lève la main d’un mouvement brusque et pointe son doigt devant lui :
— Tu vois le Puig Neulós ? C’est le point culminant du massif. Nous l’avons gravi en luttant contre les bourrasques de vent glacial, complètement à découvert sur une pente rendue glissante par les plaques gelées. Ce jour-là, nous n’avons fait que deux lieues jusqu’au Puig dels Quatre Termes et nous avons affronté six heures d’une marche infernale !
Quand nous avons atteint la Font de la Maçana, nous nous sommes écroulés de fatigue. Il a fallu briser la glace de la source pour obtenir un filet d’eau qui nous parut divin. Par miracle, nous étions presque à l’abri du vent. Trop épuisés pour avoir faim, nous avons dormi jusqu’au matin d’un sommeil de plomb. Je me suis réveillé fiévreux et courbatu. J’étais terrifié à l’idée d’être victime à mon tour des terribles épidémies qui tuaient mes compagnons, soldats et officiers sans distinction.



Extrait du chapitre 18

"Sophie"

Depuis la maison de la mariée, place du Dôme, le cortège n’a pas beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre la chapelle Saint-Laurent, à l’intérieur de la cathédrale. Devant le portail en grès rose, est tendu le ruban rouge que la mariée coupe en petits morceaux avec des ciseaux émoussés destinés à retarder en douceur le passage symbolique du célibat au mariage. Pendant que s’accomplit le rite, François laisse son regard s’élever jusqu’aux guirlandes du baldaquin ajouré, abritant le martyr du Saint, récemment restauré par un sculpteur lorrain.
La beauté tragique de l’œuvre lui inspire un sentiment de solitude mélancolique. La chaleureuse famille des Vautrin et des Schwing ne saurait lui faire oublier la cruelle absence de ceux qu’il aurait aimé avoir à ses côtés en ce jour important : ni Joseph Campagne ni ses enfants n’ont pu venir de si loin, pas plus que le couple Azanza pour qui le voyage aurait été trop long et trop coûteux.
C’est jour de fête. Pourtant une onde de tristesse le parcourt, elle épouse le rythme de l’Andante lamentabile qu’il a composé avec des accords arpégés dont les vagues soutiennent la mélodie chagrine.
Thérèse est là, invisible et tellement présente.



Extrait du chapitre 19

"Musique et paternité"

Le silence s’installe, les visages deviennent attentifs, la concentration des musiciens est perceptible avant même qu’ils ne commencent. Le lento sensibile e sostenuto donne au début du premier mouvement une solennité teintée d’émotion avec des effets d’accélération dans le dialogue intime qui s’instaure entre le violon et les guitares ; suit un allegro agitato à la vivacité insolite qui évoque le rythme martelé du jarabe mexicain, souligné par le violoncelle, sans doute une réminiscence du voyage de six années en Nouvelle-Espagne de François. Les échanges de regards et les imperceptibles mouvements de tête des interpètes l’un vers l’autre donnent une profondeur émouvante au lento qui termine. Alors les archets se relèvent en un geste ralenti, la main droite caressante des guitaristes se pose en délicatesse sur les cordes pour les faire taire puis leur bras esquisse une arabesque qui reste un instant comme suspendue.
L’assistance retient son souffle, avec le sentiment d’avoir un rôle à jouer au sein de ce rituel exigeant.



Extrait du chapitre 21

"Epreuves"

Son dossier et ses preuves sous le bras, François se présente devant le lieutenant général qui lui rend enfin justice. Son honneur est lavé. Mais on ne sort pas indemne d’une telle succession d’avanies.
— Je me sens usé, dit-il à Sophie en la serrant dans ses bras, je suis un vieux soldat. On n’a pas craint d’empoisonner les derniers moments de ma longue et honorable carrière, allant jusqu’à profiter de mon absence pour mieux me calomnier dans l’esprit de mes supérieurs.
Il reste accablé, sachant d’avance que jusqu’au bout, il sera regardé par ses pairs comme un paria.
Sophie devine qu’il ne s’en remettra jamais.
Elle sera là, à ses côtés.

L'éditeur

Cap Béar Editions, une maison dynamique qui propose joliment à ses lecteurs de "s'offrir l'évasion des mots".

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